Século XVIII
Alteridade, promessa e luzes
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Por
vezes sentimental, por vezes irónica, quase sempre crítica, a utopia
aproxima-se da forma do romance, então inventado. Tal como o romance, ela
é feita de jogos de perspectiva, de deslocamentos, de
desdobramentos e inversões, de viagens e aventuras.
A alteridade constitui-se como o grande princípio motor da utopia. É ela
que permite ver de longe o demasiado
próximo,
recuar face aos hábitos estabelecidos, questionar o que aparece como
natural.
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Mais do que uma viagem no espaço, a utopia é agora – e sobretudo –
uma
viagem no tempo, em direcção a um futuro que promete uma realidade que
importa construir. Por outras palavras, a utopia começa a
ganhar contornos explícitos de um combate, quer por um
projecto
pedagógico, quer por um
plano arquitectónico, quer por um
programa político no qual
ela chega mesmo a elaborar esboços de constituição. Por outras
palavras, a revolução
prepara-se de longe.
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Finalmente Rousseau,
figura central do século XVIII
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Será Rousseau um utopista? A resposta não é fácil. De qualquer modo,
Rousseau é uma dessas figuras gigantes onde tudo está, onde tudo teve o
seu começo. As suas obras, de inesgotável riqueza, estão cheias de
pressentimentos, alusões e pensamentos de notável actualidade. De tal
modo que, tendo vivido e pensado no século XVIII, conseguiu descobrir
nele os sinais – imperceptíveis para a maioria dos seus contemporâneos
– de um futuro que antecipadamente pensou. O que faz dele um dos mais
contemporâneos pensadores do século XVIII e porventura também um
utopista
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Jean-Jacques Rousseau
Discours sur l'origine et
les fondements de inégalité parmi les hommes
(1755)
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“Je vois un animal moins fort que les uns, moins agile que les autres,
mais, à tout prendre, organisé le plus avantageusement de tous. Je le
vois se rassasiant sous un chêne, se désaltérant au premier ruisseau,
trouvant son lit au pied du même arbre qui lui a fourni son repas, et
voilà ses besoins satisfaits. La terre abandonnée à sa fertilité
naturelle, et couverte de forêts immenses que la
cognée ne mutila jamais, offre à chaque pas des magasins et des
retraites aux animaux de toute espèce. Les hommes dispersés parmi eux
observent, imitent leur industrie, et s'élèvent ainsi jusqu'à
l'instinct des bêtes, avec cet avantage que chaque espèce n'a que le
sien propre, et que l'homme n'en ayant peut-être aucun qui lui
appartienne, se les approprie tous, se nourrit également de la plupart
des aliments divers que les autres animaux se partagent, et trouve par
conséquent sa subsistance plus aisément que ne peut faire aucun d'eux.
Accoutumés dès l'enfance aux intempéries de l'air, et à la rigueur des
saisons, exercés à la fatigue, et forcés de défendre nus et sans armes
leur vie et leur proie contre les autres bêtes féroces, ou de leur échapper
à la course, les hommes se forment un tempérament robuste et presque
inaltérable. Les enfants, apportant au monde l'excellente constitution de
leurs pères, et la fortifiant par les mêmes exercices qui l'ont
produite, acquièrent ainsi toute la vigueur dont l'espèce humaine est
capable. La nature en use précisément avec eux comme la loi de Sparte
avec les enfants des citoyens; elle rend forts et robustes ceux qui sont
bien constitués et fait périr tous les autres; différente en cela de
nos sociétés, où l'Etat, en rendant les enfants onéreux aux pères,
les tue indistinctement avant leur naissance. Le corps de l'homme sauvage
étant le seul instrument qu'il connaisse, il l'emploie à divers usages,
dont, par le défaut d'exercice, les nôtres sont incapables, et c'est
notre industrie qui nous ôte la force et l'agilité que la nécessité
l'oblige d'acquérir. S'il avait eu une hache, son poignet romprait-il de
si fortes branches? S'il avait eu une fronde, lancerait-il de la main une
pierre avec tant de raideur? S'il avait eu une échelle, grimperait-il si
légèrement sur un arbre? S'il avait eu un cheval, serait-il si vite à
la course? Laissez à l'homme civilisé le temps de rassembler toutes ses
machines autour de lui, on ne peut douter qu'il ne surmonte facilement
l'homme sauvage; mais si vous voulez voir un combat plus inégal encore,
mettez-les nus et désarmés vis-à-vis l'un de l'autre, et vous reconnaîtrez
bientôt quel est l'avantage d'avoir sans cesse toutes ses forces à sa
disposition, d'être toujours prêt à tout événement, et de se porter,
pour ainsi dire, toujours tout entier avec soi”
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Jean-Jacques
Rousseau
Projet
de Constitution pour la Corse
(1763)
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« Le peuple corse est dans l'heureux état qui rend une bonne
institution possible, il peut partir du premier point et prendre des
mesures pour ne pas dégénérer. Plein de vigueur et de santé il peut
se donner un gouvernement qui le maintienne vigoureux et sain » |
Jean-Jacques
Rousseau
Du
Contrat Social ou Principes du Droit Politique
(1762)
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« Celui qui rédige les lois n'a donc ou ne doit avoir aucun droit
législatif, et le peuple même ne peut, quand il le voudrait, se dépouiller
de ce droit incommunicable; parce que selon le pacte fondamental il n'y a
que la volonté générale qui oblige les particuliers, et qu'on ne peut
jamais s'assurer qu'une volonté particulière est conforme à la volonté
générale qu'après l'avoir soumise aux suffrages libres du peuple: j'ai
déjà dit cela, mais il n'est pas inutile de le répéter. Ainsi l'on
trouve à la fois dans l'ouvrage de la législation deux choses qui
semblent incompatibles: une entreprise au-dessus de la force humaine et,
pour l'exécuter, une autorité qui n'est rien » |
Utopia e luzes caminham a par, orientadas
ambas por uma razão esclarecida e pela promessa de um futuro de progresso
e justiça social.
A utopia está mesmo ao serviço das luzes.
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Condorcet
Esquisse
d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain. Nouvelle édition,
suivie de fragments de l'histoire de la quatrième époque et d'un
fragment sur l'Atlantide
(1794)
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« Il arrivera donc, ce moment où le soleil n’éclairera plus,
sur la terre, que des hommes libres, et ne reconnaissant d’autre maître
que leur raison; où les tyrans et les esclaves, les prêtres et leurs
stupides ou hypocrites instruments n’existeront plus que dans
l’histoire ou sur les théâtres ». |
Diderot
Supplement au Voyage de
Bougainville
(1796)
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”Puis s’adressant à Bougainville, il ajouta: "Et toi, chef des
brigands qui t’obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre
rive : nous sommes innocents, nous sommes heureux; et tu ne peux
que nuire à notre bonheur. Nous suivons le pur instinct de la nature;
et tu as tenté d’effacer de nos âmes son caractère. Ici, tout
est à tous: et tu nous a prêché je ne sais quelle distinction du tien
et du mien. Nos filles
et nos femmes nous sont communes; tu as partagé ce privilège avec nous ;
et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont
devenues folles dans tes bras; tu es devenu féroce entre les leurs.
Elles ont commencé à se haïr; vous vous êtes égorgés pour elles;
et elles nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres;
et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur
esclavage. Tu n’es ni un dieu, ni un démon: qui es-tu donc, pour
faire des esclaves ? Orou ! toi qui entends la langue de ces
hommes-là, dis-nous à tous, comme tu me l’as dit à moi, ce qu’ils
ont écrit sur cette lame de métal: Ce
pays est à nous. Ce pays est à toi ! et pourquoi ?
parce que tu y as mis le pied ? Si un Tahitien débarquait un jour
sur vos côtes, et qu’il gravât sur une de vos pierres ou sur l’écorce
d’un de vos arbres: Ce pays
appartient aux habitants de Tahiti, qu’en penserais-tu ?
Tu es le plus fort ! Et qu’est-ce que cela fait ?
Lorsqu’on t’a enlevé une des méprisables bagatelles dont ton bâtiment
est rempli, tu t’es récrié, tu t’es vengé; et dans le même
instant, tu as projeté au fond de ton cœur le vol de toute une contrée !
Tu n’es pas esclave: tu souffrirais la mort plutôt que de l’être,
et tu veux nous asservir ! Tu crois donc que le Tahitien ne sait
pas défendre sa liberté et mourir ? Celui dont tu veux
t’emparer comme de la brute, le Tahitien est ton frère. Vous êtes
deux enfants de la nature; quel droit as-tu sur lui qu’il n’ait pas
sur toi ? Tu es venu; nous sommes-nous jetés sur ta personne ?
Avons-nous pillé ton vaisseau ? T’avons-nous saisi et exposé
aux flèches de nos ennemis ? T’avons-nous associé dans nos
champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre image
en toi. Laisse-nous nos mœurs; elles sont plus sages et plus honnêtes
que les tiennes; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre
ignorance contre tes inutiles lumières ». |
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